Penny Black, le premier timbre postal de l’histoire

Imaginez vivre à Londres en 1839. Vous avez une mission à remplir : envoyer une lettre à un lointain membre de votre famille vivant à Édimbourg. Avant l’introduction du mythique Penny Black, les choses étaient bien plus compliquées. Pour que votre lettre arrive à destination, vous devez débourser un shilling, soit en payant directement au bureau de poste, où un tampon « Paid » est appliqué sur l’enveloppe avant que celle-ci soit distribuée, soit en déposant votre lettre, tamponnée du nom de la ville « London », avant qu’elle n’effectue son voyage jusqu’au destinataire, qui ne recevra la lettre qu’en échange du paiement d’un shilling. Cette seconde méthode était la plus courante.

Le Penny Black, premier timbre postal au monde émis en 1840

Le tarif d’un envoi variait en fonction de la distance, du nombre de feuilles de papier et de la méthode de transport. Les frais élevés et contraignants pour le destinataire rendaient difficile la collecte des sommes dues. Toute cette affaire postale était loin d’être efficace ou rentable. Naturellement, tout était bon pour éviter de payer, comme demander un service à un membre du Parlement, ces derniers bénéficiant du privilège de pouvoir envoyer du courrier gratuitement.

D’une révolution, l’envoi postal avait bien besoin et Rowland Hill se considérait comme l’homme parfait pour la mener. Cet ancien maître d’école, insatisfait par le système postal en place, consacra une partie de son temps libre à étudier les services postaux dans le but d’en analyser les défauts et de proposer des réformes pour le rendre plus performant.

Il était convaincu que son propos ne pourrait que paraître fondé et que son statut d’étranger au système lui offrait un avantage, lui permettant d’avoir un regard neuf sur une situation que d’autres, trop familiers des codes en place, ne pouvaient percevoir. Sans surprise, les gens en place ne partagèrent pas forcément son point de vue, le secrétaire des Postes, trouvant son plan « tout à fait absurde ».

Ce que Hill proposait était tout simplement un tarif d’affranchissement uniforme et peu élevé, basé sur le poids et prépayé et non affecté par la distance. Bien que le secrétaire des Postes ou le chancelier ne le soutenaient pas, le public s’enthousiasma pour sa réforme. Comme l’explique The Postal Museum, une campagne fut lancée pour inciter le gouvernement à agir, et un comité de marchands, fortement affectés par les prix en vigueur, fut créé, dont Hill était un membre influent. À ses côtés se trouvait son assistant Henry Cole, qui produisit le journal de propagande The Post Circular. Cole est aussi parfois crédité comme l’homme derrière le design du premier timbre postal, bien que la question de l’auteur exact de ce design soit débattue. Ces évènements se déroulaient par ailleurs quelques années avant que Cole n’introduise la première carte postale commerciale de Noël !

Rowland Hill (1795-1879), acteur de la réforme postale britannique — Source.

Il fallut bien deux ans au gouvernement pour finalement accepter les propositions de Rowland Hill, qui fut alors nommé au Trésor pour mettre en œuvre la réforme. S’ensuivit un concours pour déterminer le meilleur plan de pré-affranchissement. Parmi les méthodes choisies, les lettres et enveloppes timbrées  illustrées d’images de l’Empire furent rapidement tournées en ridicule et abandonnées.

À l’opposé, le Penny Black fut un véritable succès. Ce timbre se démarquait par son moindre coût (seulement un penny) dont l’expéditeur devait s’acquitter. Représentant la Reine Victoria, d’après un portrait réalisé lorsqu’elle avait 15 ans, il fut émis pour la première fois le 1er mai 1840, et officiellement mis en circulation le 6 mai. Rowland Hill, qui avait également soutenu la viabilité économique de son plan en suggérant qu’un tarif peu élevé serait compensé par hausse massive du volume de courrier, fut rapidement confirmé dans ses prédictions : le nombre de lettres envoyées passa de 76 millions en 1839 à 169 millions en 1840.

Le Penny Black doit naturellement son nom à sa couleur, qui entraina des problèmes, notamment les tampons d’annulation peu visibles et un risque de fraude élevé. Moins d’un an après sa mise en circulation, il fut remplacé en février 1841 par le Penny Red, une version quasi identique mais imprimée en rouge, permettant un marquage plus visible.

Le Penny Black révolutionna ainsi l’histoire postale, transformant à tout jamais ce mode de communication. En 1847, la Grande-Bretagne fut exemptée par l’Union postale universelle de l’obligation d’indiquer le nom du pays sur ses timbres : depuis, à l’image du Penny Black, le profil du monarque régnant suffit à les identifier.

Le timbre postal n’est qu’une des nombreuses révolutions de cette époque. Découvrez cinq autres inventions et découvertes marquantes de l’ère victorienne.


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