Louis Wain, l’homme qui dessinait des chats

Louis Wain (5 août 1860 – 4 juillet 1939) dessinait des chats. Des chats jouant au cricket, faisant du vélo, pratiquant de la musique, avec cette petite lueur dans les yeux et une vivacité indéniable ! Comme l’écrit Rodney Dale dans sa biographie sur l’artiste, Louis Wain: The Man Who Drew Cats : « l’attitude du grand public à l’égard des chats, et son sentiment (ou non) pour les chats a été grandement influencé par le travail de Louis Wain. »

Louis Wain contribua à améliorer le sort du chat et à élever son statut. Considérés d’abord comme de simples machines à tuer les souris, ils ont commencé à avoir une personnalité et ont rapidement pris le rôle d’animaux de compagnie. Souvent (mais pas que), un chat de Louis Wain fait les mêmes activités que l’homme, peut-être avec plus d’entrain (ne perdant jamais sa nature féline et malicieuse).

En faisant cela, Wain a également développé l’intérêt de la population pour le bien-être des animaux en général. Ses œuvres ont procuré un immense plaisir à un grand nombre de personnes de tous âges, et il a généreusement mis ses talents au service de toute bonne cause.

Louis Wain à sa table à dessin – dans les années 1890.

Malgré tout le bien que Louis Wain a fait, sa vie privée fut loin d’être heureuse, faites d’échecs, de déceptions, de tragédies et de problèmes d’argent avant qu’il ne termine son existence dans un hôpital psychiatrique.

Louis Wain est né le dimanche 5 août 1860, premier enfant de William Wain, commerçant en textile et broderie, et Julie Wain (née Julie Felicie Boiteux), qui aimait concevoir et créer des pièces de broderie pour l’Église. Vint ensuite Caroline en 1862, Josephine en 1864, un garçon mort-né en 1866, Claire en 1868, et Felicie et Marie en 1871. Aucune des 5 sœurs de Louis ne se mariera.

Il passa les dix premières années loin des bancs de l’école, suivant une recommandation du médecin (dont le pourquoi n’est pas connu). Lorsqu’il finit par y être envoyé, Louis Wain n’était pas un élève assidu, préférant faire l’école buissonnière. Né avec une fente labiale, Louis se fera pousser la moustache dans la vingtaine pour la dissimuler. Celle-ci pourrait être en partie derrière le harcèlement que Louis connut et qui se battit souvent enfant (il développa par ailleurs une passion pour la boxe). Il aimait passer son temps au musée et sur les quais, s’intéressait à la nature, la mécanique, mais aussi à la politique. Il retrouva les bancs de l’école en 1876, en se rendant à la St Joseph’s Academy, Kennington; c’est là qu’il développa un intérêt pour la musique, mais il ne pouvait pas non plus délaisser les autres sujets qui le passionnaient — la chimie, la médecine, les sciences physiques. Quoi qu’il envisageât comme carrière musicale, il finit par s’en éloigner au profit de son art et étudia ainsi à la West London School of Art où il est ensuite engagé comme professeur. Une profession dans laquelle Louis Wain n’excella pas, étant trop timide pour développer une relation avec ses étudiants et souffrant du fait qu’il avait l’impression qu’en passant le savoir, il n’apprenait rien de son côté.

‘By The Fire’, œuvre dessinée dans les années 1890.

Peu de temps après avoir commencé son travail, son père mourut à l’hôpital le mercredi 27 octobre 1880. À l’âge de 20 ans, Louis Wain devint le pourvoyeur de sa mère et de ses cinq sœurs. Il ne tarda pas non plus à s’éloigner du domicile familial, et réussit en juillet 1881 à vendre suffisamment de dessins pour Noël lui permettant de louer une chambre, qu’il meubla d’une chaise et d’une table. Ne pouvant dormir sur la chaise, il rentrait au domicile Wain tous les soirs. Le premier dessin qu’il avait vendu est finalement publié dans l’Illustrated Sporting and Dramatic News et la carrière de Wain commença à prendre forme, alors qu’Emily entrait dans sa vie.

Emily Marie Richardon était la nouvelle gouvernante de la famille Wain, de 10 ans son ainée. Louis l’adorait et ses sentiments étaient partagés. Ils s’installèrent ensemble et furent mariés le mercredi 30 janvier 1884, sans aucun membre de leur famille présent, car leur union était mal perçue. Bientôt, le foyer fut complété par Peter, comme fut baptisé leur chaton — celui qui inspira de nombreux dessins de Louis Wain, et participa alors à modeler sa carrière.

‘Peter’, illustration publiée dans l’English Illustrated Magazine, 1890.

Tout n’allait pas bien dans la maison Wain, car Emily était atteinte d’un cancer du sein. Si un traitement était possible à l’époque, il est fort probable qu’Emily ait attendu, comme cela se faisait, que cela se soigne tout seul, et découvert trop tard que cela n’était pas possible. Emily devint grabataire et mourut trois ans après leur mariage.

C’est durant la maladie de sa femme que Louis se mit à apprendre des tours à Peter et à le dessiner dans le but de lui apporter du réconfort. Malgré l’insistance d’Emily pour qu’il montre ses dessins de Peter à ses éditeurs, Louis était convaincu que cela ne les intéresserait pas. Il se destinait plus à une carrière à dessiner des chiens, assurément car le chat était alors loin d’être bien perçu dans la société.

Emily mourut avant la publication du premier dessin de chats anthropomorphiques de Wain, « A Kittens’ Christmas Party », publié dans l’Illustrated London News, de 1886. Il représentait 150 chats, dont beaucoup ressemblant à Peter, engagés dans des activités telles qu’envoyer des invitations, tenir une balle, jouer à des jeux et faire des discours.

The Maypole. 1905
Tabby Cat.

Au cours des 30 années qui suivirent, Louis Wain devint un prolifique artiste. Il illustra une centaine de livres, produisit plusieurs centaines de dessins par an, et publia ses oeuvres dans les journaux, revues et magazines ; ce succès conduisit à la publication du Louis Wain Annual, entre 1901 et 1915. Il devint également président du National Cat Club, une position qu’il prit très au sérieux. Il travaillait ainsi à effacer le mépris que les Anglais pouvaient avoir pour le chat.

Malgré son succès, Wain souffrit toute sa vie de difficultés financières. Il devait subvenir aux besoins de sa famille, et bien que deux de ses soeurs étaient des artistes de talent, elles ne l’exploitèrent que tardivement, mettant avant tout le talent de Louis en avant. Malheureusement, leur frère était dépourvu de tout sens des affaires. Ne déposant pas les droits d’auteur pour ses œuvres, Louis Wain ne pouvait pas gagner beaucoup dessus. Pire, avec les années qui passèrent, il finit même par avoir de moins en moins de travail, phénomène amplifié par le fait que les éditeurs pouvaient réutiliser ses anciennes œuvres sans avoir rien à payer. Sans argent, il payait généralement ses factures à l’aide d’un dessin.

Un chat dans un style gothique, 1925/1939. (Wellcome Collection.)

Malgré tout, il ne manquait pas d’ambition… et de malchance. À l’image de ses « chats futuristes », des pièces en céramique produites vers 1914, représentant chats et chiens en forme géométrique, plus proche de l’art cubique, et dont le navire transportant une cargaison de ces produits aurait été torpillé. Il voyait là s’envoler un retour financier, un énième échec financier qui faisait suite à son voyage à New York dont il était revenu avec encore moins d’argent.

En plus des difficultés financières, la santé mentale de Louis Wain se dégrada. Louis Wain avait toujours eu de drôle d’idées (même en ce qui concerne le comportement du chat). L’une de ses théories les plus importantes était qu’il y avait une électricité que tout le monde avait en soi, que ce soit les chats ou les humains eux-mêmes et que l’on devait pouvoir y trouver la clé de tous les secrets les plus profonds et les plus inquiétants de la vie. Sa réputation d’excentrique discret fit qu’il fallut plus de temps à ses amis et connaissances pour réaliser ce qui se passait.

Sa sœur Marie, schizophrène, avait été placée dans un hôpital psychiatrique, et mourut en 1913, mais cela n’affecta pas la famille. À la différence de la mort de Caroline, en 1917. Son comportement devint de plus en plus difficile à gérer pour ses sœurs restantes, il les tenait responsables de la mort de Caroline et se montrait violent. Quand elles ne purent pu gérer, Claire, Josephine et Felicie durent faire appel à un docteur et Louis Wain fut certifié fou le 16 juin 1924 et interné à l’hôpital de Springfield (il fut diagnostiqué schizophrène).

C’est là que le découvrit Dan Rider, un libraire, qui persuada Mrs Cecil Chesterton (la belle-sœur de G.K. Chesterton) de lancer un appel pour récolter des fonds afin de transférer Wain dans une chambre privée de l’hôpital Royal Bethlem (connu sous le nom de Bedlam). Un message télévisuel de H.G. Wells et des expositions furent également mis en place pour soutenir Louis Wain ; l’intérêt du Premier ministre Ramsay MacDonald permit de ranimer encore l’intérêt du public pour cette affaire et d’offrir aux trois sœurs de Louis Wain le soutien financier dont elle avait besoin. Wain fut quant à lui transféré à l’hôpital Napsbury en mai 1390, après réexamination de son dossier, et il y passa ses dernières années d’existence.

Louis Wain - The Magic City
The Magic City.

Au cours de ses années à l’hôpital, il développa un intérêt plus prononcé pour des motifs complexes, créant des papiers peints servant de fond à ses images. Il donna le jour à des œuvres aux couleurs vives ou abstraites, mais également à des paysages idéalisés. Le chat est, naturellement, resté son sujet principal, mais Wain dessinait aussi d’autres animaux et on peut même distinguer différents courants dans ses oeuvres. Ambidextre, Wain pouvait dessiner de ses deux mains et offrait des représentations détaillées de bâtiments.  Louis Wain aura dessiné jusque dans les dernières années de son existence, jusqu’à ce que son esprit ne lui permette plus. Il laissa derrière lui des milliers et des milliers de dessins de chat, et une image de l’animal complètement transformé.

Complémenter cette lecture avec le visionnage du film La Vie Extraordinaire de Louis Wain, puis revisiter le parcours de Marianne North, une illustratrice de plantes.