Les « épouses-tabacs » de Jamestown

Jamestown serie tv anglaise
Les héroïnes de la série Jamestown : Les conquérantes, inspirées par les épouses-tabacs.

Elles ont été appelées les mariées de Jamestown, les épouses-tabacs (tobacco wives) ou encore les mariées par correspondance (mail-order brides). Ces noms et bien d’autres furent donnés aux femmes qui ont immigré d’Angleterre pour s’installer à Jamestown, en Virginie au XVIIIe siècle, pour assurer l’avenir de la colonie.

Première colonie britannique permanente sur le continent américain (Roanoke ayant disparu dans d’étranges circonstances), Jamestown fut fondée le 14 mai 1607 au nom de la Virginia Company of London. Trois vaisseaux composaient la flotte, avec un équipage purement masculin, ayant pour but d’explorer et de déterminer comment bien utiliser les ressources de la Virginie pour que la compagnie puisse en tirer profit.

Les premières femmes à débarquer à Jamestown furent Mistress Forrest et sa servante, Anne Burras, en 1608. Le mariage de Burras fut le premier à être célébré dans la colonie quelques mois plus tard. D’autres femmes arrivèrent l’année suivante pour faire face à une période de famine et de maladie qui emporta 75 % de la population de Jamestown, et des femmes amérindiennes étaient également présentes.

Pour assurer l’avenir de Jamestown — et par extension les retours financiers allant avec pour la compagnie —, il était nécessaire de voir sa population s’élargir. Il fallait donc faire venir des femmes à Jamestown. La colonie loin d’attirer la gent féminine à cause d’histoires de maladies, de famine et d’attaques par des Amérindiens qui circulaient. Qui plus est, des colons venaient faire fortune et repartaient pour se marier.

Les leaders de Jamestown mirent en place un programme d’immigration maritale pour attirer une population féminine. Les femmes se voyaient offrir un passage vers la colonie, ainsi que des vêtements, du linge de maison, des meubles et même des terres. Sur place, elles avaient le droit au logement et à la nourriture le temps de pouvoir choisir leurs maris. C’était ensuite à ce dernier de rembourser la Compagnie pour les frais de voyages, correspondant à 120-150 livres de tabac, d’où le nom de « tabacco wives », mais aussi pour les terres et les meubles. Et s’il ne pouvait pas, la compagnie n’était pas pressée.

Si par le passé, des femmes coupables de vagabondages et autres petits délits avaient rejoint la colonie, cette fois-ci, la Virginia Company of London avait des exigences et souhaitait des jeunes filles ravissantes, honnêtes et instruites — ces dernières devant alors se faire recommander pour être sélectionnées. Pour celles qui n’avaient pas de perspective de mariage en Angleterre (en l’absence d’une dot), se rendre à Jamestown était naturellement attractif.

Il était crucial pour la Compagnie que les Épouses de Jamestown ne soient pas vendues, mais libres de leurs actions, à une époque où le kidnapping était tragiquement commun (et même parrainés par le gouvernement). Pour les leaders, le rôle de la femme coloniale était trop important pour se reposer sur des personnes ne souhaitant pas être là. Qui plus est, le gouvernement colonial offrait des libertés et des opportunités qui étaient tout simplement inaccessibles à la majorité des Anglaises qui, une fois mariées, passaient sous la dépendance légale du mari. À Jamestown, où la vie et un mariage pouvaient être rapidement interrompus par la maladie ou une attaque, les lois coloniales prenaient en compte la situation particulière avec des lois sur l’héritage et la propriété généreuses pour les femmes à l’époque qui, rappelons-le, détenaient également une parcelle de terre à leur nom. Ainsi, la loi s’assurait que les veuves ne se retrouvent pas sans rien et elle n’avait, par la suite, pas à subir la pression économique poussant à un remariage après la mort de leur conjoint. Même avant leur mariage, les femmes de Jamestown possédaient plus de libertés. Malgré la loi anglaise, cette dernière n’était pas mise en action pour punir les femmes de la colonie qui, par exemple, brisaient un engagement.

Les « épouses-tabacs » de Jamestown jouèrent donc un rôle crucial à Jamestown, leur présence — même encore bien inférieure aux hommes en 1620 — participa à faire évoluer la colonie de simple avant-poste militaire à première colonie britannique permanente en Amérique.