Le Carnet de Bal : L’accessoire d’autrefois pour un bal réussi

DUCHESSE DE BERWICK, au fond, au centre :

Il est étrange que lord Windermere ne soit pas là. Mr Hopper est lui aussi très en retard. Vous lui avez réservé cinq danses, Agatha ? (Elle s’avance.)

LADY AGATHA :

Oui, maman.

DUCHESSE DE BERWICK, s’asseyant sur le canapé :

Montrez-moi votre carnet de bal. Je suis si heureuse que lady Windermere ait remis au goût du jour ces carnets. Pour une mère, ils sont la seule garantie possible. Chère petite innocente ! (Elle biffe deux noms.) Nulle jeune fille convenable ne devrait jamais danser la valse avec des fils cadets ! Cela ne fait guère sérieux. Les deux dernières valses, vous pourriez les danser sur la terrasse avec Mr Hopper.

L’Eventail de Lady Windermere, Oscar Wilde.

Se rendre à un bal durant la période victorienne est l’un des évènements sociaux les plus importants qui soient. Loin d’une soirée décontractée, un bal à cette époque (que l’on se trouve en Europe ou aux États-Unis) prend la forme d’une chorégraphie précise définie par une collection de règles et de comportements sociaux. Un faux pas et vous pouviez scandaliser votre hôte

Le carnet de bal — le programme du bal ou dance card — se révèle être un accessoire essentiel pour la soirée. Mais quand ce dernier a-t-il fait son apparition ? S’il semble qu’il était déjà présent au 18e siècle, c’est au 19e siècle que leur utilisation s’est popularisée. Il émergea en Autriche, et plus spécifiquement, sa présence au Congrès de Vienne mena, quand chacun retourna dans son pays, à sa propagation dans le reste de l’Europe — sous le règne de la reine Victoria.

Initialement, de nombreuses femmes portaient déjà dans leurs réticules un petit carnet qui s’ouvrait comme un éventail pour noter les listes de courses et autres. Naturellement, elles s’en servaient pour noter les partenaires de danse de leur soirée et beaucoup les conservaient en souvenir.

Le carnet de bal évolua pour contenir à l’avance l’ordre des danses de la soirée (Waltz, quadrille, polka). Un espace libre à côté permettait à la détentrice du carnet d’inscrire le nom d’un homme qui aura « revendiqué » la danse.

Carnet de bal datant du 11 janvier 1887 (publié par Marcus Ward & Co) (The Ephemeria Society)

Avec le temps, le carnet devint ainsi plus élaboré et sophistiqué. Chaque carnet de bal était différent, et leur conception variait d’un bal à un autre. Le matériel utilisé à sa création reflétait directement le statut économique de la famille ainsi que la situation maritale de la détentrice du carnet, fournissant ainsi aux hommes les informations nécessaires à posséder sur leurs partenaires de danse.

Ainsi, le carnet de bal pouvait avoir la simple forme d’un carnet, ou ressemblait à un instrument de musique ou un éventail ou encore d’un autre objet. Il pouvait être gaufré avec de l’or, décoré de bijoux précieux, embelli avec des nœuds ou illustré de fleurs.

Carnet de bal, c. 1850

Qu’importe le modèle, celui-ci était toujours accompagné d’un crayon suspendu à une cordelette ou un ruban, permettant également d’accrocher le carnet au poignet. Malgré tout, il était recommandé aux hommes de se munir d’un crayon pour être prêt à noter les engagements si la situation le réclamait.

C’est ainsi au cours de ces bals que l’expression « My dance card is full. » a fait son apparition. Une manière pour la lady de signifier sa popularité et qu’elle est occupée toute la soirée.

Si le carnet de bal est tombé en désuétude le siècle suivant, l’expression est restée dans le langage courant, faisant référence en général au fait que l’on n’a pas de temps pour quelqu’un.