Halloween : Comment célébrait-on cette fête à l’ère victorienne ?

Snap-Apple Night, tableau peint par l’artiste irlandais Daniel Maclise en 1833

La veille d’Halloween, dit-on, le voile entre le monde des vivants et des morts s’affine. Les esprits peuvent marcher sur Terre et entrer en contact avec les vivants. La fête folklorique serait par ailleurs un héritage de Samain, festival consacré à la transition entre les saisons et aux préparatifs des vendanges chez les Celtiques.

Feux de joie, défilés, et déguisement se produisaient pour chasser les morts. De la nourriture était laissée dans des bols devant les portes pour apaiser des esprits. Et des sacrifices humains et d’animaux auraient été pratiqués pour honorer les morts et les Dieux.

À l’image de Jack O’Lantern, cela fait partie des histoires qui se racontent sur Halloween. Car, il n’existe en vérité aucune preuve que la fête celtique était une célébration des morts – et il n’existait tout simplement pas une simple identité celte avec des rites bien établis.

De nos jours, Halloween est avant tout associée aux enfants qui se déguisent en fantômes, sorcières et autres montres et vont sonner aux portes avec la formule Trick or treat! De nombreuses soirées sont organisées où feux de joie, lectures de contes horrifiques et diffusion de films d’horreur prennent place. Et, il faut bien le dire, chance est que cette Halloween moderne nous vienne moins des Celtes que des Victoriens !

Carte postale du début du XXe siècle illustrant un des jeux d’Halloween

Si Halloween est maintenant plus considérée comme une fête américaine, cette dernière a été importée dans les années 1840 par les Irlandais ayant fui le pays suite à la grande famine (1845-1852). Ils sont venus avec leurs traditions qui ont, au fil du temps, évolué pour devenir ce que l’on connait de la fête.

Avec eux, les Irlandais ont apporté les pratiques du ‘mumming, guising et souling’. Remontant au moins au 13e siècle, le mumming est une représentation théâtrale donnée par des acteurs costumés, généralement pour les fêtes et la Toussaint était une opportunité pour les acteurs de délivrer une représentation qui se terminait par un paiement en pièces ou nourriture. Le guising, dont la pratique a lieu depuis au moins le 16e siècle, correspond à la tradition du déguisement, qui est alors lié à la pratique médiévale du souling, où les membres les plus pauvres de la société chantaient et offraient des prières en échange de Soul Cakes, contenant le plus souvent des ingrédients que les pauvres ne pouvaient s’offrir (muscade, cannelle, raisins secs, groseilles…).

Exemple d’une tenue de sorcière, issue du livre Guide to Fancy Dress, écrit par Ardern Holt (1887)
Un costume possible pour Halloween, aussi tiré du livre Guide to Fancy Dress, écrit par Ardern Holt (1887)

Cela pris du temps pour s’implanter aux États-Unis, dû à la mauvaise réputation des Irlandais, peu aidé également par les farces qui prenaient également place cette nuit-là : mystérieux coups de sonnette, les ‘esprits’ qui jouaient des tours en dissimulant des objets, ou encore des sacs de farine saupoudrant les passants. (Ruth Edna Kelley’s 1919 The Book of Hallowe’en ).

Et pendant que la fête formait ses racines aux États-Unis, la reine Victoria elle-même célébrait Halloween, après des jours de préparations,  comme nous le relate l’édition du 6 novembre 1874 du Staffordshire Sentinel:

Sa Majesté et la princesse Béatrice, portant chacune une grande torche, sortir dans un phaéton ouvert. Une procession, formée des tenanciers et des serviteurs des domaines, suivait. Tous portaient de hautes torches, allumées. Ils traversèrent le parc et firent le tour du château, et la scène alors que le cortège avançait était très étrange et frappante… Lorsque les flammes étaient à leur maximum, une silhouette habillée en hobgobelin apparut sur les lieux, tirant une voiture entourée d’un nombre de fées portant de longues lances, la voiture contenant l’effigie d’une sorcière. Un cercle ayant été formé par les porteurs de torche, l’elfe qui préside jeta la silhouette de la sorcière dans le feu, où elle fut rapidement consumée. Cet acte de crémation terminé, les danses ont commencé sur les accents émouvants de Willie Ross, le cornemuseur de Sa Majesté.

À la fin des années 1800, les soirées d’Halloween étaient certainement ce qui avait les préférences des Victoriens. Si ces derniers avaient une fascination morbide, ce n’était pas ce qui occupait spécifiquement leurs esprits à ce moment précis. Ils aimaient particulièrement les jeux de société pour essayer de déterminer leur futur et celui de leur proche.

La Reine Victoria célèbre Hallowen à Balmoral, fin XIXe siècle (par l’artiste W.S. Stacey). Illustration tirée du livre The Life & Times of Queen Victoria, de Robert Wilson, Vol III.

Un de ses jeux, décrit dans le livre Book of Days, de Robert Chambers, consistait pour une femme à se rendre dans une pièce sombre, seule, et à se tenir devant un miroir. Alors qu’elle se tenait là, elle mangeait une pomme. Si les esprits étaient conciliants, la jeune femme pourrait voir le reflet de la personne qu’elle épouserait. Si elle voyait un squelette, cela signifiait qu’elle mourrait seule.

Ce n’était pas la seule méthode employée pour découvrir si mariage il y aurait bientôt. Des gâteaux étaient cuits, contenant, une aiguille, un dé à coudre, une pièce de dix cents ou un anneau. En plus du risque de se blesser, la part du gâteau contenant une aiguille ou un dé à coudre indiquait que l’on resterait célibataire (et que l’on aurait dû temps pour coudre). Si l’on avait une pièce ou un anneau, le mariage était à l’horizon.

Pour Halloween, les Victoriens avaient donc majoritairement leur intention tournée vers le mariage et l’amour, à l’image de cet autre jeu décrit par Chambers :

Il est de coutume en Irlande, quand les jeunes femmes veulent savoir sir leurs amants sont fidèles, de mettre trois noix à griller, en nommant les noix d’après leurs amants. Si une noix craque ou saute, l’amant se révélera infidèle ; s’il commence à flamber ou à brûler, il est respectueux de la personne qui lui fait présentement

Si ces activités visaient principalement les femmes, les jeunes hommes n’étaient pas pour autant sans divertissement. L’Apple-bobbing (gober les pommes) était un jeu populaire à l’époque qui était perçue comme un moyen de se rapprocher d’un potentiel prétendant. Quoi qu’il arrive, la consommation de pommes (et de noix) était à son maximum au cours de cette soirée, enrobée de sucre et cuite au feu de bois.

Halloween trouve donc ses origines dans de nombreuses traditions, plus ou moins récentes entre festivals médiévaux et religieux, importations de traditions irlandaises et tradition moderne de la demande de bonbons sous la menace. Pas de doute en tout cas que les Victoriens ont joué un rôle majeur à donner le jour à la fête telle qu’on la connait de nos jours.


Joyeuse Halloween!