Une brève histoire de la Carte de Noël

Une carte de Noël de la Collection Harpur Crewe.

Des milliards de cartes de Noël sont envoyées chaque année, et on en comptabiliserait presque un milliard rien qu’au Royaume-Uni. Un Britannique envoie en moyenne 16 cartes de Noël, de quoi donner du travail au facteur en fin d’année !

Mais depuis quand envoie-t-on des cartes à Noël ? On peut remonter jusqu’en 1611 pour trouver la trace d’une des premières cartes de fin d’année. On la doit à Michael Maier, physicien allemand et conseiller de Rodolphe II qui en envoya une à James Ier d’Angleterre et à son fils Henry Frederick, prince de Gales en 1611. Néanmoins, il s’agissait là d’une carte personnelle, bien loin de la commercialisation que l’on connait aujourd’hui — un phénomène qui émergera 200 ans plus tard.

Carte de noel - Christmastide - Raphael Tuck and Sons
Carte de Noël publiée par Raphael Tuck and Sons, dans les années 1880.

Si le nom de Thomas Shorrock, d’Écosse, est parfois cité pour être la première personne à avoir produit une carte de Noël, le crédit revient le plus souvent à Sir Henry Cole – qui n’était encore qu’un Mr au moment de cette histoire. Nous sommes en effet en 1843 lorsque Cole, fonctionnaire et inventeur britannique destiné à devenir le premier directeur du Musée Victoria and Albert de Londres, doit faire face à un problème non négligeable : sa pile de courriers n’a eu de cesse de grossir, et il se doit d’y répondre. Cole était un homme populaire en son temps, et il était fort impoli de ne pas répondre aux lettres que l’on recevait à l’époque victorienne.

Henry Cole se devrait de trouver une solution élégante pour répondre à toutes ces lettres. Lui vient alors l’idée de commander à son ami et artiste John Callcott Horsley (qui est le beau-frère de l’ingénieur Isambard Kingdom Brunel, le monde victorien est petit). Horsley donne le jour à un triptyque montrant la famille à table célébrant la fête, flanquée d’images de personnes aidant les pauvres.  De la taille d’une carte postale, au moins 1000 exemplaires sont tirés par Joseph Cundall, éditeur pour enfants, en 1843.

La première carte commerciale de Noël fut créée par John Callcott Horsley pour Henry Cole, en 1843. Via V&A.

La première carte postale commerciale de Noël venait de voir le jour ! Celle-ci fit son apparition non sans susciter une légère controverse. Certains pensèrent qu’elle encourageait la consommation d’alcool chez les mineurs, dû à la représentation d’enfants avec ce qui ressemble à des verres de vins. Cela n’empêcha pas les amis de Cole de trouver que cette carte de Noël était une bonne idée – et un moyen de gagner du temps.

Malgré tout, la carte de Noël ne devint pas, à ce moment-là, une tradition de fin d’année. Il fallut patienter encore quelque temps, la seconde carte commerciale de Noël ne faisant son apparition qu’en 1848, cette fois-ci illustrée par William Maw Egley.

La seconde carte postale de Noël, 1848. Via V&A.

Pourquoi la carte postale de Noël mis du temps à trouver son public ? Comme souvent, l’argent ! La carte était considérée trop cher pour une grande part de la population, frein à sa popularisation.

Les choses évoluaient rapidement à l’époque victorienne, et ce fut le cas pour la carte postale de fin d’année qui profita des progrès dans le monde de l’imprimerie, avec l’invention chromolithographie, pour prendre son envol. Des cartes de Noël de plus en plus extravagantes virent le jour, en plus grande quantité, et naturellement, à des prix plus abordables. L’introduction du timbre coûtant un demi-penny pour l’envoi de ces fameuses cartes participa, dans les années 1870, à les rendre plus accessibles à tous. Et les victoriens se prirent certainement au jeu !

Un joyeux Noël à tous en compagnie de ce mignon groupe de chats ! Via la Collection Harpur Crewe

De nombreux éditeurs s’engouffrèrent dans ce nouveau marché,  à commencer par Charles Goodall & Son. L’entreprise, spécialisée dans les cartes à jouer, publia une série de cartes pour Noël en 1862. D’autres éditeurs les suivirent rapidement, tels Raphael Tuck & Sons qui devint l’une des plus importantes sociétés britanniques d’édition de cartes postales de la fin du XIXe siècle et de la première moitié du XXe siècle.

D’origine prussienne, Raphael Tuck s’est installe avec sa femme et ses sept enfants en Angleterre en 1865, où il ouvre une boutique pour peintres. Le succès au rendez-vous, il ne tarde pas à être rejoints par trois de ces fils, l’entreprise devenant alors Raphael Tuck and Sons. En 1871, elle publie ses premières cartes de Noël en 1871 et pas de doute que la famille trouva là un bon filon, car la société aura une collection de près de 40 000 cartes postales au début du XIXe siècle.

Carte de noel - Christmas Greetings - Raphael Tuck and Sons
Carte de Noël publiée par Raphael Tuck and Sons, dans les années 1880.

Mais, à quoi ressemblait la carte postale de Noël à l’époque victorienne ? On retrouvait naturellement sur ces cartes des scènes religieuses, des enfants se préparant pour Noël ou encore de nombreux paysages enneigés que l’on devait certainement à l’influence de Charles Dickens sur la saison. Et ces fameuses cartes postales ont participé à répandre l’image de ce fameux Noël enneigé qui perdure encore.

Les animaux étaient aussi largement représentés sur ces fameuses cartes. Les chiens et les chats en étaient souvent les stars, dans des postures anthropomorphes, mais bien d’autres animaux étaient également représentés – singes, oiseaux (dont le très populaire rouge-gorge), insectes, grenouilles, cochons, renards et même les rats.

Certaines illustrations peuvent largement étonner de nos jours, et même être qualifiés d’étranges ou de morbides, comme des grenouilles meurtrières, des oiseaux morts, une souris chevauchant un homard, Krampus ou encore un enfant que l’on a mis à cuire dans une théière ! Pour les Victoriens, tout ceci était parfaitement normal.

Un rouge-gorge mort — symbole associé à la bonne fortune — sur une carte de Noël. Via Tea Tree Gully Library.

Arrivé aux années 1880, les cartes de Noël faisaient partie intégrante des fêtes de fin d’année, participant à maintenir les relations entre proches, amis et enfants. Une tradition qui a résisté au temps et se pratique toujours de nos jours.