Alice au pays des merveilles selon Arthur Rackham : Un monde riche en fantasy

Aujourd’hui, l’un des illustrateurs les plus célébrés de l’époque édouardienne, Arthur Rackham (19 septembre 1867 – 6 septembre 1939) avait, enfant, l’habitude de rester éveiller tard pour dessiner sous ses couvertures, voir sur sa taie d’oreiller s’il n’avait pas de papiers.

Cet artiste dans l’âme, issue d’une famille nombreuse de la classe moyenne, était néanmoins le fils d’un fonctionnaire. Pour cette raison, il travailla en tant que clerc tout en étudiant à la Lambert School of Art. Rackham maintint ce rythme jusqu’en 1892, travaillant la journée et passant ses soirées à produire des dessins pour les soumettre aux journaux.

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Il parvint à se faire recruter en tant qu’illustrateur pour le Westminster Budget Newspaper, pour lequel il produisit jusqu’en 1896 des dessins assez conventionnels. Quelques rares illustrations (pour ce journal ou un autre) montraient vraiment son imagination vivace.

C’est néanmoins durant cette période qu’il développa son intérêt pour l’illustration de livres, alors que sa rencontre avec l’artiste peintre Edyth Starkie en 1898, qu’il épousa cinq ans plus tard, marqua un tournant majeur dans son style. Elle l’encouragea à continuer à réaliser des aquarelles fantaisistes et à les exposer à la Royal Watercolour Society, où Rackham craignait que les autres membres se moquent de ses dessins de fantasy.

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C’est l’opposé qui se produisit, les œuvres de Rackham furent célébrées pour être innovantes et imaginatives, le menant à de nouvelles commissions lui permettant ainsi de pleinement se consacrer à l’illustration d’œuvres classiques. Son travail en 1905 sur Rip Van Winkle, nouvelle de Washington Irving, attira particulièrement l’attention du public et sa réputation fut confirmée dès l’année suivante avec ses illustrations pour Peter Pan dans les Jardins de Kensington de J.M. Barrie.

C’est peu de temps après qu’Arthur Rackham signa les illustrations les plus controversées de sa carrière, à savoir celle de l’édition de 1907 des Aventures d’Alice au pays des merveilles. À l’époque, les illustrations de John Tenniel (remontant à 1865) étaient indissociables de l’œuvre, au point que les critiques considéraient presque comme un sacrilège que l’on ose envisager de proposer une alternative.

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Avec le roman de Lewis Carroll tombant dans le domaine public, c’était néanmoins inévitable et pas moins de sept versions virent le jour rien qu’en 1907. L’une d’entre elles était celle d’Arthur Rackham qui réalisa treize planches en couleurs et quinze dessins au trait en noir et blanc pour l’éditeur William Heinemann.

Si l’illustrateur ne souhaitait aucunement être opposé à Tiennel, il ne put l’éviter dû à certains critiques admiratifs de Tiennel qui ne parvenait pas à se détacher du travail de ce dernier. Si certains reconnurent son approche nouvelle et innovante, d’autres critiquèrent pour être trop riche et exubérant. Le public général, lui, admirait son travail. De tous les successeurs de Tiennel, Rackham fut sans aucun doute celui qui fit la plus grande impression, voyant ses illustrations apparaitre dans des éditions aux États-Unis, en Allemagne et en France. Reste que Rackham fut affecté par les critiques négatives au point qu’il décida de ne pas illustrer De l’autre côté du miroir

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Il s’inspira de la jeune modèle Doris Jane Dommett pour représenter Alice, qui raconta, après la mort de l’illustrateur, comme elle fut ravie qu’il « copie exactement ma robe imprimée, car c’était une robe que ma mère m’avait permis de créer moi-même. Les bas de laine que je portais étaient tricotés par ma vieille nièce française Prudence. Ils étaient épais, pour protéger du froid, et comme ils chatouillaient ! »

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Pour la scène du thé, Doris Jane Dommett se trouvait chez les Rackham et occupa le grand fauteuil de l’illustrateur alors que la table avait été dressée avec la meilleure porcelaine de Mme Rackham. Ce fut aussi sa cuisine et la cuisinière de la maison, qui servirent de modèle pour la scène de la cuisine. Et lorsque Mlle Dommet demanda si Alice devait jeter des assiettes, Rackham lui annonça qu’elles avaient déjà été cassées. Il l’avait fait lui-même pour s’assurer d’avoir bien tous les détails.

La cuisine des Rackham, et leur cuisinière ont contribué à la scène de la cuisine. Mlle Dommett se souvenait avoir demandé, dubitative : « Va-t-elle jeter des assiettes ? » « Oh non », dit Mme Rackham, elles ont déjà été cassées. En fait, il en avait jeté quelques-unes pour avoir le bon détail. Rackham n’hésita pas non plus à se caricaturer lui-même sous les traits du chapelier fou.

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Arthur Rackham sut captiver l’imagination du public avec ses illustrations qui devinrent alors à leur tour des œuvres admirées et influentes, qui furent incluses dans de nombreuses expositions. Après Alice et Peter Pan, il signa de nombreux dessins pour d’autres histoires classiques, dont Le Songe d’une nuit d’été (1908), Les Voyages de Gulliver (1909), Un chant de Noël (1915), La Romance du Roi Arthur (1917), Cendrillon (1919), La Belle au bois dormant (1920) et plus encore.

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Alice commençait à dire en elle-même, « Mais, que faire de cette créature quand je l’aurai portée à la maison ? » lorsqu’il grogna de nouveau si fort qu’elle regarda sa figure avec quelque inquiétude. Cette fois il n’y avait pas à s’y tromper, c’était un porc, ni plus ni moins, et elle comprit qu’il serait ridicule de le porter plus loin.
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La mare aux larmes.
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le Dodo cria tout à coup : « La course est finie ! » et les voilà tous haletants qui entourent le Dodo et lui demandent : « Qui a gagné ? »
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Bientôt le Lapin aperçut Alice qui furetait ; il lui cria d’un ton d’impatience : « Eh bien ! Marianne, que faites-vous ici ? Courez vite à la maison me chercher une paire de gants et un éventail ! Allons, dépêchons-nous. »
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La Reine devint pourpre de colère ; et après l’avoir considérée un moment avec des yeux flamboyants comme ceux d’une bête fauve, elle se mit à crier : « Qu’on lui coupe la tête ! »
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Alice commença donc à leur conter ses aventures depuis le moment où elle avait vu le Lapin Blanc pour la première fois. Elle fut d’abord un peu troublée dans le commencement ; les deux créatures se tenaient si près d’elle, une de chaque côté, et ouvraient de si grands yeux et une si grande bouche ! Mais elle reprenait courage à mesure qu’elle parlait. Les auditeurs restèrent fort tranquilles jusqu’à ce qu’elle arrivât au moment de son histoire où elle avait eu à répéter à la chenille : « Vous êtes vieux, Père Guillaume, » et où les mots lui étaient venus tout de travers, et alors la Fausse-Tortue poussa un long soupir et dit : « C’est bien singulier. »
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« La Reine de Cœur fit des tartes, Un beau jour de printemps ; Le Valet de Cœur prit les tartes, Et s’en fut tout content ! »

Complémenter la lecture de cet article avec la lecture d’Alice au Pays des Merveilles, puis découvrez également les illustrations de Daniel Egnéus pour le roman American Gods écrit par Neil Gaiman.