Une courte histoire de Noël à l’époque victorienne

Charles Dickens, A Christmas Carol, 1843 (Illustratation de Jon Leech)

Il fut un temps où Noël était à peine célébré en Angleterre. C’était le début du XIXe siècle où même les commerces ne considéraient pas cette période comme des vacances. Que s’est-il passé pour que Noël devienne – arrivé à la fin du siècle – la célébration annuelle la plus importante, prenant ainsi la forme qu’on lui connaît aujourd’hui ?

Peut-être pensez-vous à ce fameux Charles Dickens, l’homme qui aurait « inventé Noël » ? C’est le titre que lui attribua le Sunday Telegraph un 18 décembre 1988.

On ne peut pas ignorer l’influence de l’écrivain pour avoir su revitaliser les célébrations grâce à ces œuvres. Publié en 1843, A Christmas Carol inscrit dans les esprits une image spécifique de cette fin d’année, avec le vent, la neige, la dinde chaude et la famille au chaud chantant. C’est un souvenir idéalisé que le romancier propose encore et encore à ses lecteurs. Et si le Noël enneigé fait rêver, il est à noter qu’il fut une réalité pour Dickens, durant les huit premières années de son existence. D’où cette image qu’il cherchait tant à retranscrire.

Si Noël était devenu obsolète avant que Dickens ne prenne sa plume pour raviver la flamme, cela venait du changement constant de population dans les grandes villes. Les nouveaux arrivants apportaient leurs us avec eux et n’adoptaient pas non plus les coutumes locales. Début des années 1840, l’Angleterre avait donc besoin de nouvelles traditions de Noël et c’est là que Dickens entra en jeu. Mais pas que.

La veillée de Noël chez les Wardle, illustration issu du roman Les Papiers posthumes du Pickwick Club (1837) de Charles Dickens.
L'arbre de Noel de la Reine, Château de Windsor, 1845 (par Joseph Nash)
L’arbre de Noël de la Reine, Château de Windsor, 1845 (par Joseph Nash)

Le Sapin de Noël fut nommé le « joli jouet allemand » par Dickens dans un essai de 1850, car ce dernier doit son implantation dans les foyers au prince consort. The Illustrated London News publia en 1848 une photo de la famille royale autour d’un arbre décoré, tradition venant de l’enfance du Prince Albert en Allemagne. Peu de temps après, toutes les maisons possédaient leur arbre orné de bougies, de bonbons, de fruits, de décorations maison et de petits cadeaux.

Les chants de Noël n’étaient, quant à eux, pas une nouveauté de la période, mais ils connurent un regain d’intérêt. Considérés comme une agréable forme de divertissement méritant d’être cultivé, les chants furent remis au goût pour le plaisir de tous. Cela se combinait parfaitement avec cette vision de Noël familial qui prit forme à cette époque.

Les cartes de Noëls virent le jour au début des années 1840 – sans la participation du Prince Albert ou de Charles Dickens. Il faut remercier l’aristocrate Sir Henry Cole pour cela. Homme toujours trop occupé pour écrire à ses amis, il commissionna la première carte en 1843 montrant un groupe de personnes dinant avec un message. En ayant fait imprimer un millier, Cole envoya ce qui lui restait à un magasin à Old Bond Street dans le but que cela soit vendu.

La première carte postale, 1843
La première carte postale, 1843
La famille royale auprès de l’arbre de Noël, publié dans llustrated London News en 1848.

Si cela était cher – à un shilling –  pour une bonne part de la population, le concept s’établit avec l’aide des enfants, dont ceux de Victoria, qui furent encouragés à réaliser leur propre carte de Noël. L’évolution des techniques dans le monde de l’impression entraina par ailleurs une baisse de prix dans la production et l’arrivée du service national de la poste changea tout. Dans les années 1880, envoyer des cartes était devenu populaire.

La commercialisation de Noël était en route ! Le confiseur Tom Smith y participa lorsqu’il inventa un nouveau concept pour vendre des bonbons en 1848. Ce fut après un voyage à Paris où il découvrit les dragées enveloppées dans du papier qu’il eut l’idée du fameux Christmas Cracker : un petit paquet contenant des bonbons qui se déverse lorsqu’on l’ouvre. Les confiseries furent plus tard remplacées par des petits cadeaux et chapeaux en papiers, mais cela reste une tradition.

L’arbre de Noël de la duchesse de Kent et de ses enfants au château Windsor, 1850 (par James Roberts)
Noël familial, illustration de J.A. Pasquier publié en 1858 dans Illustrated London News.
Noël familial, illustration de J.A. Pasquier publié en 1858 dans Illustrated London News.

Il parait naturel qu’avec l’arrivée du sapin dans le foyer, le Christmas Cracker et la carte de Noël, les décorations s’installent naturellement chez l’habitant. Cela se fit dans la continuité de la tradition médiévale, mais avec des encouragements pour l’uniformité, l’ordre et l’élégance.

Le cadeau, traditionnellement offert au Nouvel An, devint une partie de Noël à son tour lorsque cette fête devint primordiale pour les habitants. Les cadeaux plus modestes comme les fruits, bonbons ou bijoux fabriqués à la main étaient en général suspendus au sapin. Le cadeau devenant de plus en plus central à cette fête, il devient par extension plus imposant et fut alors mis au pied du sapin.

Joyeux Noël !