Compagnie britannique des Indes orientales : Une entreprise commerciale à la souveraine puissance

La Compagnie britannique des Indes orientales — ou East India Company — est l’ennemi de James Delaney (Tom Hardy) dans la série Taboo de BBC One. Cette entreprise est alors représentée comme une puissance dont l’autorité dépasse le milieu des affaires, à la fois agence d’espionnage et gouvernementale.

Cette entreprise sera en tout cas la plus puissante de son époque, avec bel et bien des fonctions militaires et administratives régaliennes dans le territoire indien.

Les origines de la Compagnie britannique des Indes orientales

Peu de temps après la défaite de l’Armada espagnole à la bataille de Gravelins face à la flotte anglaise en 1588, multiples marchands vont demander permission à la reine Elizabeth I de prendre la mer pour développer le commerce avec les Indes orientales.

Au cours de la décennie qui suivit, de nombreux voyages furent donc organisés, avec des résultats variables. Une expédition parvint finalement au but, obtenant par la même occasion une charte de la couronne d’Angleterre pour l’exclusivité du commerce avec les Indes orientales pour une période de 15 ans. Ainsi fut fondée en 1600 The Company of Merchants of London Trading into the East Indies — ancien nom de l’East Indian Company.

Malgré ce que son nom peut laisser supposer, la Compagnie ne fit pas tant d’affaires que cela avec les Indes orientales. Elle traita principalement avec le sous-continent indien et la Chine pour des produits comme le coton, la soie, le colorant indigo, le sel, le salpêtre, le thé et l’opium.

La montée au pouvoir

Le gouvernement ne détenait aucune part de la compagnie qui était alors entre les mains de riches marchands et aristocrates ayant le contrôle des opérations. Ce rapport de force se poursuivit sous la dynastie Stuart et le protectorat.

Si les profits très élevés rapportés par la Compagnie poussèrent d’abord le roi Jacques Ier à accorder des licences à d’autres compagnies commerciales, il renouvela la charte de la Compagnie en 1609. Elle se vit octroyer le monopole du commerce avec les Indes orientales pour une période indéfinie, mais incluant une clause stipulant que cela cesserait si les affaires de la compagnie devenaient non profitables trois années de suite.

En 1657, c’est au tour d’Oliver Cromwell de renouveler la charte en y effectuant des retouches mineures touchant l’organisation de la Compagnie.

La situation pour la Compagnie s’améliora encore plus au moment de la restauration de la monarchie en Angleterre. Le roi Charles II accorda en 1670 à la Compagnie le droit d’acquérir de nouveaux territoires, de frapper de la monnaie, d’avoir des troupes armées, une activité diplomatique et de faire appliquer la justice sur ses territoires. En somme, nous avons là une compagnie commerciale possédant un pouvoir pouvant rivaliser avec une nation.

Compagnie britannique des Indes orientales – 1765 et 1805 (territoires en rose)
Compagnie britannique des Indes orientales – 1837 et 1857 (territoires en rose)

Bien entendu, il fallut un peu de temps pour que cela se développe. Au départ, la compagnie n’avait après tout que quelques hommes dans ses troupes. 100 ans plus tard, elle atteignait les 67 000 hommes, principalement des troupes indiennes formées aux techniques européennes.

Pas besoin cependant d’aller déjà si loin dans le temps pour constater le pouvoir de la compagnie qui se sera établie comme une force politique en Grande-Bretagne dès les années 1700. Elle aura également alors le monopole commercial, après avoir absorbé ou détruit ses concurrents. Son expansion était appuyée par la révolution industrielle approchant, créant une demande de produits indiens en hausse – et par extension une influence grandissante.

La Compagnie britannique des Indes orientales régna pendant près de 100 ans en Inde (entre 1757 et 1857) grâce à son armée et son administration. Cela s’arrêta lorsque la Couronne prit le contrôle.

Déclin et Dissolution

Suite à la crise financière de 1772, la compagnie rencontre des difficultés à payer à temps tous ses emprunts. Cela met en difficulté son créancier, le Trésor britannique. À l’arrivée, Londres lui octroya un privilège commercial en Amérique — le Tea Act de mai 1773 qui nous entrainera vers la guerre d’indépendance des États-Unis — pour renflouer les caisses.

Reste que cela ne sera pas sans conséquence et marque le début de la fin. Le Parlement vote le Regulating Act en 1773 qui impose à la Compagnie une série de réformes économiques et administratives. Elle peut garder le monopole sous certaines conditions financières qui vont participer à sa chute.

Cette loi n’est alors que la première manœuvre législative d’une série qui va s’étaler sur les années suivantes ayant pour fonction de diminuer le pouvoir que détient la Compagnie.

Touchée par les Guerres de l’opium (1839-1842), la Compagnie fut ensuite tenue responsable pour la révolte des Cipayes. La Couronne la dépouilla alors de ses pouvoirs administratifs en 1858 avant de simplement entrer en possession de tous ses biens en 1860.

La Compagnie ne fut alors plus que l’ombre d’elle-même au cours de ses dernières années d’existence, avant sa dissolution officielle par décret le 1er janvier 1874

La fin de la Compagnie britannique des Indes orientales marque le début du Raj britannique, le régime colonial que connaît le sous-continent indien de 1858 à 1947.

Vous pouvez compléter cet article avec l’ouvrage The Corporation That Changed the World – Second Edition: How the East India Company Shaped the Modern Multinational de Nick Robins.